Par Miguel Rodrigues, avril 2022

In varietate concordia. La devise de l’Union européenne, qui signifie «unie dans la diversité», pourrait très bien s’appliquer à la ferme de la Touvière. En effet, malgré un début de mois d’avril à la météo dantesque, la ferme a pu compter sur la grande variété de sa production pour amortir toute conséquence désastreuse sur les finances et les cultures de l’exploitation. Pour rappel, il neigeait au début du mois d’avril, et les risques de gels peuvent endommager les légumes ou dévaster la production fruitière sur le long terme.

Pour en savoir un peu plus, je suis allé à la rencontre de Lorédan Füeg, jeune paysan qui partage son temps entre le travail à la Touvière et la fourrière des vélos gérée par Péclot13. Un drôle de hasard pour moi qui me déplace uniquement à vélo et qui cherche actuellement une nouvelle fourche pour un de mes cadres à l’abandon. Notre discussion commence la tête dans le guidon. Je vous recommande d’ailleurs la balade jusqu’à la Touvière ; la piste cyclable qui longe le lac offre un splendide panorama, surtout en cette période ensoleillée. Mais revenons à nos légumes.

Comment avez-vous géré les risques de gels au début du mois d’avril ?

Avant le gel, il y a eu le chaud ! Les températures du mois de mars ont été particulièrement élevées, ce qui fait que beaucoup de légumes étaient prêts avant l’heure.

Nous faisons des paniers de légumes, et cette année certains de ces légumes étaient prêts beaucoup trop tôt. Nous n’avons désormais plus de pak choï et de cima di rappa (une sorte de chou, pour ceux qui ne connaissent pas). Nous n’avons pas pu écouler cette surproduction prématurée. Beaucoup de ces légumes sont partis pour les poules et les cochons, ce qui au final réduit ce qu’on pourrait appeler une « perte ». Nos animaux sont choyés ! (rires)

Aussi, certains ravageurs, des insectes surtout, ont profité de ce coup de chaud pour nous surprendre.

En ce qui concerne les risques de gels du début du mois, nous avons eu très peur. En particulier pour les cultures pérennes : les fruits, les vignes, les arbres. Nous aurions pu perdre nos pommiers ou nos cerisiers. Nous avons aussi dû déployer de grandes bâches qui protègent les surfaces agricoles afin de réchauffer les légumes. On les appelle les P17 : elles font 17g par mètre carré. Ces fines couvertures augmentent les températures de deux degrés environ, ce qui fait déjà une énorme différence. Mais cette bâche requiert un effort supplémentaire pour être installée, et elle va aussi gêner le désherbage.

Si on fait un bilan de ces aléas, la Touvière a-t-elle été touchée économiquement ?

J’ai l’impression que notre ferme est tellement diversifiée ! Ce que nous n’avons pas pas pu ramasser en chou, peut-être que ce sera compensé en œufs. Parce que peut-être que des poules qui mangent mieux donneront un peu plus. Dans l’agriculture il faut voir le bon côté des choses. Le coup de chaud de mars a provoqué des bénéfices qui sont contre-balancés par le coup de froid du début du mois d’avril.

Ce travail supplémentaire a du peser sur l’équipe. Comment se porte le moral des troupes ?

Nous allons bien ! C’est vrai que ces bâches demandent un peu de boulot : il faut couvrir toutes les surfaces puis poser de lours sacs de sable qui empêche le vent de les retourner. Aussi, nous désherbons de façon mécanique, et non chimique. Ces couvertures vont nous enquiquiner lorsqu’il faut passer le tracteur pour gratter la terre.
Les conditions de la Touvière, avec nos champs en amont, restent favorables. Je peux dire que l’exploitation reste agréable cette année. Et la suite se profile bien, malgré le déficit d’eau qui frappe le pays par manque de pluie. Nous avons la chance en Suisse de pouvoir arroser nos cultures sans restrictions dans ces cas-là.