Guillaume est allé visiter une ferme autonome dans le Jura et nous partage sa visite.
Ma visite dans le Jura chez les anars de Longo Maï
J’ai enfin fini par rencontrer les mythiques résistantes et résistants écolos qui se sont retranchés dans leurs montagnes depuis les années 70! Ca méritait un petit billet, merci Maëlle pour la suggestion!
Longo Maï, donc, c’est un réseau d’une 10aine de coopératives en France, en Suisse (dans le Jura, à la ferme du Montois près du village d’Undervelier et le siège de l’association à Bâle), en Autriche, en Allemagne, en Roumanie et en Ukraine. Le mouvement a vu le jour en Provence en 1973 en marge de mai 68, et prône l’autogestion en mode démocratique horizontal, une société égalitaire, l’agriculture paysanne, pour rester libres et préserver la nature. « Longo maï » un salut provençal signifiant « Que ça dure longtemps! », reste un défi quotidien même après une 50aine d’années d’existence. Une leçon de modestie, mais aussi la réalité des mouvements paysans alternatifs, qu’on se le dise!
Je ne sais plus trop quand j’ai entendu parler de cette association, par un ami rêveur amoureux de la montagne et de l’idée d’autonomie je crois. Depuis quelques années, je me renseigne activement sur les initiatives de vie communautaire essayant de renouer le lien avec la nature et d’explorer des modes de vie durables, peut-être les graines d’une société post-effondrement, ou des radeaux de survie qui pourraient être développés et faire système en cas de crise. Au minimum un moyen de vivre certains idéaux, en marge d’une société qui semble s’obstiner dans une voie destructrice. Longo Maï accueille des stagiaires et des visiteurs, une amie anarchiste qui les connaît me met en contact (cela dit, ils ont un site web: prolongomaif.ch) et rendez-vous est fixé pour petite visite lors d’un week-end de novembre!
Je voyage avec ma fille, nous prenons le train jusqu’à Bassecourt, en passant par Bienne, Moutier, Delémont. Jolis paysages dans les collines escarpées et couvertes de forêt du Jura. On vient nous prendre à la gare en voiture car les bus sont peu fréquents le samedi. La ferme du Montois se trouve à côté d’Undervelier, petit hameau avec quelques bâtisses d’importance: son restaurant, repris par un collectif qui fait la part belle aux événements culturels, son ancien hôtel qui pourrait lui aussi être réinvesti par une coopérative. Politiquement, toutes les sensibilités sont présentes dans la région, me dit-on: de l’association de chasse plutôt conservatrice, au collectif d’habitation de jeunes à tendance révolutionnaire. C’est plutôt une richesse de collaborer avec des gens qui ont des points de vue différents, s’enthousiasme ajoute une jeune femme, membre du collectif d’habitation, rencontrée au bal folk donné ce soir là pour un anniversaire. Néanmoins, on sent un terreau fertile pour l’action collective, peut-être lié à l’histoire jurassienne de luttes ouvrière ou pour l’Independence. Il y a aussi des opportunités: la région est dépeuplée et on y trouve des maisons à l’abandon. Un jeune zurichois vadrouilleur rencontré à la même soirée y cherche un lieu pour s’installer avec une bande d’ami-e-s qu’il ramène du Portugal! Ah oui, ici on parle aussi bien allemand que français. J’y rencontre également quelques émigrés turcs, qui se débrouillent comme ils peuvent en allemand.
La ferme du Montois fait une dizaine d’hectares, il y a des moutons, des poules, un ou deux chevaux pour travailler aux champs, un étang avec des canards, des ruches, un potager d’environ 1000 mètres carrés avec 2 serres, quelques arbres fruitiers, et la forêt tout autour, qui fournit quelques champignons, du bois de chauffage et même parfois quelques troncs qui peuvent être transformés en planches à la scierie locale. L’étang a hébergé des poissons mais plus maintenant, on n’avait pas le temps de s’en occuper. Le potager sert essentiellement à nourrir les habitants, qui échangent aussi des produits avec d’autres fermes de la région, comme des produits laitiers. La laine des moutons est envoyée à la filature de Chantemerle, dans les hautes Alpes, qui confectionne des vêtements vendus à la boutique de la ferme. Dans la boutique, on trouve aussi des conserves cuites ou fermentées, des confitures, du miel, de l’huile d’olive d’une ferme partenaire en Grèce, du café, des tisanes, des extraits de plantes, et des tractes politiques. La ferme vit aussi de donations au mouvement, récoltées en partie depuis les locaux de Bâle. D’ailleurs, cette semaine, des coopératrices et coopérateurs de Longo Maï remontés de Provence sont en visite pour participer à une campagne de levée de fonds.
Avec les visiteurs, le Montois accueille souvent une vingtaine de personnes. 4 familles y résident de façon permanente, un couple approchant l’âge de la retraite est là depuis trente ou quarante ans, les autres plus jeunes avec des enfants, 4 ou 5, de 4 à 12 ans, qui s’en donnent à cœur joie entre les activités de cuisine en commun, le trampoline dans le jardin et la nature alentour dans ce cadre idyllique. Ma fille se joint à la bande! L’ambiance est à la détente, c’est le week-end, on se repose. Certains lisent dans le salon, mais d’autres font la cuisine, un coopérateur boulanger prépare de la foccacia pour le bal folk de la soirée, certains des enfants préparent des cupcakes, on prépare aussi de l’houmous, une réunion stratégique a lieu dans les combles ou le sérail semble parler politique (à en croire les affiches anarchistes, antimilitariste, anticapitaliste etc. collées dans les couloirs ou les WC, ou les titres des bouquins dans la bibliothèque). Denise, la femme du couple plus âgé, fait un peu d’administration.
Au repas, on discute organisation, j’échange avec l’herboriste du groupe qui m’explique les contraintes légales qui rendent très compliquée la vente d’extraits de plantes médicinales pour des petites structures. On échange sur l’état du monde et les moyens de le changer. L’accueil est amical, même si les coopérateurices ont peu de temps à me consacrer. Il faut dire que même le week-end, il y a des occupations, et ils ont besoin de tranquillité. Denise se chargera de me faire visiter l’exploitation. J’essaie de donner un coup de main et de me me montrer intéressé sans pour autant m’imposer. On sent que la vie au Montois n’est pas tous les jours facile et qu’il y a beaucoup à faire! Avant de partir, je discute avec l’homme plus âgé, dont j’oublie le nom. Il me demande comment je les ai connus, ce que je fais. Il me donne des adresses de gens qu’il connaît dans la région genevoise, me propose de me mettre sur la liste de la newsletter (exclusivement au format papier). Longo Maï, c’est un réseau qui s’étend sur une large partie du territoire européen, et leur lettre recèle d’informations de première main sur les luttes politiques et écologiques dans les pays où ils sont implantés.
Dimanche après midi, il est l’heure de partir. Un petit « tschuss mittenand » à la ronde, et on part à pieds et sac au dos prendre le bus. Les enfants nous suivent en courant, ils vont au trempoline. Ernestina s’est bien amusée et aimerait bien revenir. Pour moi, c’est un peu comme je me l’étais imaginé, une vie simple et « alignée », bien remplie. Des personnalités variées, parfois chaleureuses, parfois plus difficiles à approcher. Une belle quantité de bonne volonté!
Si vous voulez en savoir plus et rencontrer des gens du Montois, ils seront au marché des grottes, du 7 au 10 décembre, profitez-en pour goûter leurs produits, et faire part de votre intérêt au GT producteurs!
– Guillaume Schlaepfer
Ça donne envie ! Merci pour le petit rapport et le tips du marché des Grottes 😉
Je ne sais même pas comment j’ai atterri ici, mais j’ai pensé que cet article était excellent. Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous allez certainement devenir un blogueur célèbre si vous ne l’êtes pas déjà.